En 2020, avec Les ImpatientesDjaïli Amadou Amal nous conduisait dans l’intimité d’un Saare où de jeunes femmes d’un milieu plutôt privilegé subissaiente, du fond de leur prison dorée, les affres du mariage forcé et de la polygamie. Deux ans plus tard, avec Cœur du Sahell’autrice multiprimée agrandit l’espace et brosse le tableau d’une région sahélienne marquée par les conséquences désastreuses du terrorism et du changement climatique.
Nous plongeons ainsi dans le quotidien de femmes domestiques, des invisibles qui luttent pour leur survie dans une société nord-camerounaise régie par des clivages fondés sur les appartenances sociale, ethnique et religieuse. L’on suit les parcours de deux d’entre elles, Faydé et Bintou, qui tentent, chacune à sa manière, d’échaper à leur condition pour s’élever dans la hiérarchie sociale. Comme l’on ouvre une boîte de pandore, sans rien éluder, Djaïli Amadou Amal qui, petite fille, rêvait de vivre dans un monde enchanté, s’attaque de manière frontale à des sujets que d’aucuns voudraient maintenir taboos : la xénophobia, le mépris de classe, l’esclavage moderne, le viol érigé en tradition. Des thèmes àpres, qui n’enlèvent rien à la beauté de l’histoire d’amour entre Faydé et Boukar deux êtres que tout semble séparer.
Dans Les Impatientes, vous évoquiez de manière allusive le viol d’une domestique. Dans Cœur du Sahelvous donnez à cette dernière une identité.
Djaïli Amadou Amal : En terminant la rédaction des Impatientes, je savais déjà quel serait le thème de mon prochaine livre. Alors que dans le premier, ce viol était un non-événement, un « simple troussage de domestique » qui n’avait ému personne, dans Cœur du Sahel, j’ai voulu attribuer une identité à la victime, explorer son ressenti, lui rendre la parole. Parce qu’elles sont invisibles, interdites d’éducation et soumises au bon vouloir des hommes qui les violentent, de nombreuses femmes en sont privées. Or ce qu’elles endurent mériterait d’être entendu. Je me fais volontiers leur porte-voix, passant aux yeux de certains pour une rebelle, une insoumise. Et l’insoumission est un tel affront !
Le viol est omniprésent dans votre littérature. Vous faites dire à l’un de vos personnages que c’est une « tradition » dans les sociétés sahéliennes.
Dans Cœur du Sahel, il est question de mariage par le rapt. Suivant une tradition qui perdure dans les montagnes du Nord-Cameroun, un homme qui désire une femme peut s’arroger le droit de l’enlever pour l’épouser. Pour s’assure que rien ne viendra entraver son projet, il la viole parfois publiquement – ce qui en fait d’emblée son épouse –, en toute impunité, au vu et au su de tout le monde, sans que nul ne songe à s ‘en indigner. Même l’État appears assez permissif : pas plus les rapts que les viols ne sont punis. Le sujet reste taboo. De la même manière, les femmes domestiques sont souvent la proie de leurs employeurs et subissent parfois le viol de différences members de la famille, sans jamais oser porter complainte. Honteuses d’être des victims, elles se murent dans le silence, ce qui conforte leurs bourreaux dans l’idée que violer une domestique ne prête pas à consequence.
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